Friday, February 26, 2010

Fantastic Mr. Fox, de Wes Anderson

Mr. Fox a laissé derrière lui sa vie de bohème, après un tout dernier coup qui a manqué d'être fatal à lui et à sa femme, alors enceinte. Depuis que leur fils est né, le couple vit dans un terrier et Fox est journaliste pour gagner sa vie et nourrir sa famille convenablement. Il est devenu un homme respectable qui rêve de promotion sociale. Cependant, alors qu'il visite une jolie maison dans un arbre, avec vue sur trois fermes, ses vieilles ambitions de jeunesse le reprennent. L'emprunt fait, la petite famille installée, Fox prépare un dernier coup, un coup sublime sur trois nuits, dans les trois fermes, pour mettre un véritable terme à son passé de voleur de poules.


Le roman de Roald Dahl a bien entendu été adapté par Wes Anderson, qui a ôté  ou ajouté des éléments au texte original pour lui donner sa couleur toute personnelle. Sans jamais dégrader le texte cependant, Wes Anderson réussit à en conserver et à développer les points de l'histoire qui en sont les fondements. L'anecdote, celle du délinquant contre les producteurs véreux, est sublime de drôlerie. Les animaux du film portent costumes et cravates, et s'opposent aux humains, bourrés de vices et verdâtres. Simplissime? Pas tant que cela, car il est probable que le spectateur n'ait droit qu'au point de vue animal. Les humains ne sont sûrement pas aussi caricaturaux dans leur monde, et ils ne voient certainement pas les jolis apprêts vestimentaires des animaux. D'ailleurs, si les animaux, tels qu'on les voit dans le film, paraissent civilisés, leurs instincts demeurent toujours les plus forts, et ils ne peuvent s'empêcher de déchiqueter la nourriture lors de leurs repas sophistiqués.


Derrière les gags, il y a aussi une histoire de famille, de celle qui peut toucher n'importe qui, renard ou être humain. Le fils de Fox se sent délaissé par son père, dépassé par son passé glorieux; le cousin du jeune Ash, Kristofferson, qui attire le respect de Fox, polarise aussi la jalousie de Ash; la femme de Fox, Felicity, aime son mari mais sent son couple basculer lorsqu'il met en danger sa famille pour poursuivre ses ambitions égoïstes. Les personnages, ainsi développés, forment une vraie communauté rappelant les nôtres, avec les défauts de chacun, les règles sociales et les mêmes codes moraux. Plus évidente encore est la caricature sociale lorsqu'elle s'en prend directement aux humains, gourmands, belliqueux, têtus. Pour récupérer leurs biens volés par Fox, ils sont prêts à détruire la nature et éradiquer une colline, voire toute la vie animale qui profitait de cet éco-système, à grand renfort de machines et avec l'aide et le soutien des médias.


Quant à la technique d'animation qui soutient le propos, comment ne pas crier au génie? Wes Anderson, à l'ère de la 3D relief, fabrique des personnages réalistes en marionnettes, puis déstructure ce réalisme avec une animation de 12 images par seconde. Les mouvements sont syncopés, et ces imperfections rendent l'animation poétique. Wes Anderson, avec dans la tête des images de King Kong (Ernest B. Schoedsack et Merian C. Copper, 1933), de La Belle et la bête (Jean Cocteau, 1946), ou du Roman de Renart (Ladislas Starewith, 1941), tient à faire bouger les poils de ses marionnettes en permanence, et peu importe si l'oeil a aujourd'hui plus l'habitude de la fluidité des fourrures animées en 3D avec des techniques de pointes. Ici, un coup de gel, un passage de brosse, une photo, suffisent à faire son bonheur. La technique est visible, la fumée de coton et les buissons de feuilles de thé. L'image est mille fois plus affriolante avec ses défauts et ses bouts de ficelle visibles qu'un mauvais film en 3D.


Le choix des voix, puisqu'il faut en parler tant elles sont justes, s'est fait dès le début de la production. Les comédiens ont enregistré en conditions "réelles", c'est-à-dire dans les décors rappelant ceux du film: une ferme notamment, dans le Connecticut, sert de studio. Les animateurs ont fait bouger les marionnettes en fonction de ces voix, et leur spontanéité, leur fraîcheur, ainsi que les imprévus (corne de brume passant au loin durant la meilleure prise) ont tous été intégrés aux mouvements.


Le scénario est drôle et pertinent, l'image, magique et vivante. Georges Clooney, charmeur par excellence, incarne à merveille un Fox bourré de défauts et enchanteur, autant que le film dont il est le héros.



Fantastic Mr. Fox
de Wes Anderson
avec les voix de Georges Clooney, Meryl Streep, Jason Schwartzman,...
sortie française: 17 février 2010

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